Sylvie : « S’investir dans la Cuma, une bouffée d’oxygène face à la maladie »
Voire une échappatoire, « un moyen de garder une place dans mon métier d’agricultrice et la société ». Sylvie Guiheneuf, éleveuse de vaches laitières en Loire-Atlantique, déjà engagée dans sa Cuma, a pris le poste de trésorière peu de temps après l’annonce de sa sclérose en plaques. Peu férue de machinisme, elle s’implique, en plus de la compta, dans le relationnel avec les adhérents.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
« Quand les gars commencent à parler de machines, ça devient vite très technique, alors je décroche rapidement. Pour toute décision relative aux équipements, je leur fais entière confiance. Je suis plus sensible au côté relationnel, organisationnel, de mon engagement professionnel à la Cuma Saint-Joseph de Bouvron (Loire-Atlantique). »
« Plus sensible à l’humain qu’aux machines »
Le regard de Sylvie Guiheneuf, trésorière, sur l’implication des femmes dans les coopératives d’utilisation de matériel agricole est similaire à celui d’Aline Catoir, vice-présidente de la Cuma des Hauts Plateaux à Ronchois (Seine-Maritime).
« Ma qualité première n’est pas la connaissance des engins, le machinisme et la mécanique ne sont pas une passion, mais je m’investis dans l’organisation et la communication », nous confiait cette dernière lors d’un reportage début août. Pour les deux éleveuses de vaches laitières, s’engager en dehors de l’exploitation est important afin de ne pas s’isoler, voir autre chose, échanger avec d’autres agriculteurs.
« Éleveuse sur le papier, administratrice pleinement »
C’est même une vraie bouffée d’oxygène, une échappatoire, « un moyen de se sentir utile, de garder un pied et une place dans le métier, dans la société, dans la vie », ajoute Sylvie, atteinte de sclérose en plaques depuis une dizaine d’années. « Cela permet de ne pas se renfermer, d’oublier un peu la maladie qui prend beaucoup d’énergie, de temps, d’espace, avec les multiples rendez-vous médicaux, la kiné. »
Des premières alertes en 2014 à l’arrêt de travail un an plus tard, l’exploitante continue son activité sur la ferme. Elle doit alors se rendre à l’évidence : elle ne peut plus traire et doit embaucher un salarié. Au fil des mois, elle a de plus en plus de mal à se déplacer et abandonne au fur et à mesure d’autres tâches.
À la place du salariat (suite au départ de l’employé), la traite est robotisée, et l’élevage doté de caméras et de colliers pour surveiller et détecter les chaleurs et les vêlages, grâce en partie à l’accompagnement humain et financier de la MSA et de l’Agefiph, et à sa reconnaissance d’éleveuse en situation de handicap… Sylvie conserve ainsi un œil sur le troupeau, sur l’exploitation en général en s’occupant aussi désormais de toute la compta et de l’administratif.
« 61 adhérents, 6 salariés : une grosse Cuma »
« Agricultrice sur le papier, de plus en plus, mais trésorière en chair et en os à la Cuma », lance Sylvie, entrée au conseil d’administration en 2008 et au bureau en 2016, alors déjà malade. Créée en 1962, la coopérative a fêté ses 60 ans, et compte une soixantaine d’adhérents et six salariés à temps plein, dont un chef d’atelier.
Orientée élevage, elle réalise cependant tout type de travaux, du semis à la récolte, en conventionnel comme en bio. « Une structure relativement importante », résume l’éleveuse, troisième femme à être élue au CA puisqu’ayant pris le relais d'une trésorière, après 10 ans de mandat, la première administratrice étant partie quelque temps avant son arrivée.
Depuis l’année dernière, une seconde agricultrice est entrée au conseil, qui regroupe 17 membres, dont six sont au bureau : un président, un vice-président, deux trésoriers et deux secrétaires (dont un référent salariés pour le suivi des heures, des relations avec les employeurs…). « Je me suis intégrée facilement. Ambiance, fonctionnement, communication : tout se passe bien ! Les échanges, nombreux, sont fructueux. »
« De l’empathie, être à l’écoute »
Sylvie s’occupe des encaissements et des relations avec les adhérents, son collègue trésorier des décaissements, prêts et autres sorties d’argent, tous deux avec l’appui d’un comptable extérieur. « L’exercice débute le 1er avril et se termine le 30 mars. Nous facturons des acomptes, basés sur la facture N-1, avec une régularisation fin mars en fonction des matériels et prestations réellement utilisées. »
« Je vérifie que tous les acomptes sont bien versés et les factures finales régularisées. Dans le cas contraire, j’appelle et/ou rencontre les personnes concernées pour connaître les raisons des impayés et trouver des solutions, voire solliciter une aide financière extérieure. Dans les situations difficiles, il faut de l’empathie, être à l’écoute, employer les bons mots. »
Le rôle d’un responsable professionnel de Cuma n’est pas que technique, en machinisme, gestion, comptabilité, etc. Il y a tout ce volet social que vient d’évoquer Sylvie Guiheneuf, qui comprend également le management des salariés : accueil et accompagnement (emploi du temps avec le chef d’atelier, suivi des heures, besoins de formation, entretiens individuels…).
« On voit des femmes sur les tracteurs, pourquoi pas plus dans les Cuma ? »
Les plannings sont préparés à l’avance et finalisés chaque semaine, en réunion le lundi matin, en fonction des demandes des adhérents auprès du ou des référents de chaque machine. Quelques-unes seront bientôt réservables via internet, avec l’objectif de développer progressivement ce mode de réservation. Nouer des liens de confiance avec les adhérents, manager les salariés : les administrateurs apprennent sur le tas. Sylvie n’a suivi qu’une formation, au début, sur son rôle et celui de la Cuma.
Un nouveau projet au sein de la coopérative va permettre à l’éleveuse de s’investir encore davantage, en tant que référente pour la construction d’un nouveau bâtiment. Il s’agit, avec un groupe d’administrateurs, de démarcher les différents corps de métiers, demander des devis, des financements, tout en respectant les réglementations en vigueur. D’autant qu’il sera équipé de panneaux photovoltaïques, avec revente de l’électricité produite. Sylvie s’interroge : « Pourquoi pas plus de femmes au sein des Cuma puisqu’il y en a de plus en plus dans les exploitations et sur les tracteurs ? »
Pour accéder à l'ensembles nos offres :